« Nul ne peut être mathématicien s’il n’a pas l’âme d’un poète » (Sofia Kovalevskaïa)
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Quarante enfants dans une salle
Un tableau noir et son triangle
Un grand cercle hésitant et sourd
Son centre bat comme un tambour
Des lettres sans mots ni patrie
Dans une attente endolorie
Le parapet dur d’un trapèze,
Une voix s’élève et s’apaise
Et le problème furieux
Se tortille et se mord la queue
La mâchoire d’un angle s’ouvre
Est-ce une chienne ? Est-ce une louve ?
Et tous les chiffres de la terre,
Tous ces insectes qui défont
Et qui refont leur fourmilière
Sous les yeux fixes des garçons. (Jules Supervielle 1884 −1960)
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Quelquefois, lorsqu’un élève lui posait une question, M. Cros essayait une explication (…). il déclamait, du haut de son estrade :
« La circonférence est fière
D’être égale à 2πR ;
Et le cercle est tout joyeux
D’être égal à πR². »
Et il souriait. Comme pour dire : « Puisque vous êtes des littéraires, je vous donne de la poésie ».
(…) Il disait aussi :
« Le volume de la sphère,
Quoi que l’on puisse faire,
Est égal à 4/3 πR³. » (…)
« La sphère fût-elle de bois. »
Il donnait une grande importance à ce vers final ; il le lançait avec une sorte de sévérité triomphale. Mais il ne s’adressait plus à nous : il parlait à la Sphère Elle-même.
(Marcel Pagnol)
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Parallèles
On va, l’espace est grand,
On se côtoie,
On veut parler.
Mais ce qu’on se raconte
L’autre le sait déjà,
Car depuis l’origine
Effacée, oubliée,
C’est la même aventure.
En rêve on se rencontre,
On s’aime, on se complète.
On ne va plus loin
Que dans l’autre et dans soi. (Eugène Guillevic)
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J’étais alors en proie à la mathématique.
Temps sombre ! enfant ému du frisson poétique,
Pauvre oiseau qui heurtais du crâne mes barreaux,
On me livrait tout vif aux chiffres, noirs bourreaux ;
On me faisait de force ingurgiter l’algèbre :
On me liait au fond d’un Boisbertrand funèbre ;
On me tordait, depuis les ailes jusqu’au bec,
Sur l’affreux chevalet des X et des Y ;
Hélas ! on me fourrait sous les os maxillaires
Le théorème orné de tous ses corollaires ;
Et je me débattais, lugubre patient
Du diviseur prêtant main-forte au quotient.
De là mes cris.
(Victor Hugo, Les Contemplations, 1856)
Amour mathématique
Je te dédie ce poème
LE THÉORÈME DE NOS JE T’AIME
Je voudrais t’aimer à la puissance infinie
Pour que cet amour ne soit jamais monotonie
Je voudrais être le résultat de cette addition
Joies plus bonheurs égal plus que passion
Je voudrais que tu sois les décimales du nombre pi
Celles qui aujourd’hui ne sont toujours pas finies
Je voudrais être ton premier dénominateur de cœur
Pour toujours deviner et diviser tes peurs
Je voudrais que tu sois l’exponentielle de mes toujours
La seule solution aux itérations de notre Amour
Je voudrais que tu sois mon ensemble de tout
Pour que jamais nous ne manquions de rien
Je voudrais que tu sois mon équation
L’inconnu de mon postulat
Ne pas être aussi le résultat
De cette soustraction
TOI moins MOI égale n’existe pas
Je voudrais calculer la surface de tes yeux
Sans jamais la diviser par deux
Surtout que tu sois la dérivée de nous
Que tu sois mon espace pas mon incertitude
La limite de mes fonctions vitales
Celle qui seront mes plénitudes
Dans l’espace temps de nos habitudes
(Bernice)